Agenda international
La quête d'un leadership politique
La gestion de l’eau concerne la planète et pourtant, l’absence d’une réelle gouvernance mondiale devient problématique. Mais la dernière conférence internationale sur l’eau organisée par les Nations Unies en 2023, ainsi que la nomination d’une envoyée spéciale, a redonné espoir à tous les acteurs.
Quarante-six ans ! Quarante-six ans qu’il n’y avait pas eu, aux Nations Unies, de conférence internationale consacrée à l’eau douce. C’est dire si celle qui s’est déroulée du 22 au 24 mars 2023, cofacilitée par les Pays-Bas et le Tadjikistan, était attendue. Réunissant plus de deux mille acteurs (étatiques et non étatiques, entreprises et ONG, experts, financeurs, etc.), elle a lancé un programme d’action comptant plus de huit cents engagements et la promesse de structurer une nouvelle gouvernance mondiale de l’eau, avec notamment la création d’un poste d’envoyé spécial des Nations Unies sur l’eau.
Une dynamique lancée qui se poursuit
Cette conférence a généré un espoir réel de voir enfin le sujet de l’eau traité à son juste niveau dans le cadre multilatéral. Malgré les doutes exprimés, ce fut un moment déterminant dans l’agenda mondial de l’eau, et on constate, un an et demi plus tard, que la dynamique lancée se poursuit : une nouvelle conférence a été annoncée pour 2026, cofacilitée par le Sénégal et les Émirats arabes unis, une autre se tiendra probablement en 2028. Les Nations Unies ont publié, à l’été 2024, la première stratégie du système des Nations Unies sur l’eau et l’assainissement[1] dont le but est de renforcer les synergies entre les tous les acteurs. Enfin, Antonio Guterres a nommé son envoyée spéciale sur l’eau en la personne de Retno Marsudi, ministre des Affaires étrangères de l’Indonésie qui a pris ses fonctions le 1er novembre 2024.
Le nexus eau-énergie-sécurité alimentaire
L’impulsion onusienne était nécessaire et demandée par tous les acteurs de l’eau. L’absence d’une réelle gouvernance mondiale est de plus en plus problématique, eu égard à l’évolution des enjeux autour de la gestion de l’eau. Accélération des effets du changement climatique sur le cycle de l’eau, augmentation de la population mondiale et notamment dans les villes, viennent accroître encore les besoins de coopération, de recherche de nouveaux financements, de partage d’expériences, de données et de technologies. L’eau doit être au cœur de l’adaptation au changement climatique et prise en compte dans toutes politiques de développement économique, notamment dans le nexus eau-énergie-sécurité alimentaire. Les silos doivent être brisés. Les relations complexes d’interdépendance qui existent entre la gestion durable de l’eau, la paix et la prospérité doivent être mieux appréhendées.
Le monde de l’eau n’a pas attendu la conférence de 2023 pour porter haut ces sujets. Le Forum mondial de l’eau, dont la dernière édition s’est tenue à Bali en mai 2024, les rencontres, congrès, conférences à portée internationale ou régionale qui se tiennent régulièrement, permettent de progresser sur la prise en compte des enjeux et la mise en œuvre de stratégies. Mais on constate qu’il est difficile de sortir de la water bubble et que la communauté de l’eau peine à entraîner d’autres acteurs, notamment les leaders politiques. Le nombre extrêmement réduit de chefs d’États et de gouvernements à New York, en mars 2023, est révélateur de ce phénomène, et contraste avec leur présence de plus en plus nombreuse aux COP climatiques. Probablement parce que nombre d’entre eux considèrent encore que l’eau n’est qu’un sujet local ou transfrontalier.
G7, G20, COP climat et COP désertification
L’urgence est donc à la sensibilisation des grands leaders mondiaux. Car sans une meilleure connaissance des enjeux, sans un réel leadership international sur l’eau, les réponses apportées ne seront pas à la hauteur.
L’agenda eau lancé lors de la conférence de mars 2023 est un chemin qui doit être accompagné et porté. De nombreux événements le jalonnent qui sont autant d’occasions de pousser ce leadership politique sur l’eau. En juin 2024, le G7 a annoncé vouloir créer une coalition sur les enjeux hydriques. Puis en novembre, le G20 au Brésil a confirmé l'importance de ces enjeux et a apporté son soutien formel à l'appel à l'action porté à Bali par les ONG.
La Global Commission on the Economics of Water (GCEW)[2], initiative lancée en 2022 par les Pays-Bas, facilitée par l’OCDE et regroupant des experts, dirigeants et praticiens du monde entier, vient de publier un rapport très attendu pour redéfinir la façon dont nous valorisons et gouvernons l’eau, et pour pousser à la considérer comme un bien commun. Il s’agit d’un outil puissant de sensibilisation dans des enceintes comme celles des Fall Meetings de la Banque mondiale et du FMI, ou encore lors des COP biodiversité, climat et désertification qui se sont tenues d’octobre à novembre 2024 (respectivement à Cali en Colombie, à Bakou en Azerbaïdjan et à Ryad en Arabie saoudite). Il est à noter que les COP climat, traditionnellement peu tournées vers le sujet de l’eau (sa mention ne figure pas dans l’accord de Paris), l’intègrent progressivement dans leurs décisions finales. La présidence azerbaïdjanaise de la COP29 a annoncé le lancement du « dialogue de Bakou sur l’eau pour l’action climatique ».
Un calendrier de coopération internationale
Le One Water Summit, organisé par la France, le Kazakhstan et la Banque mondiale en partenariat avec l’Arabie saoudite se tiendra en marge de la COP16 désertification. Il aura pour ambition de stimuler un agenda de coopération internationale sur l’eau et de servir d’incubateur de solutions concrètes. Ce sommet se veut un moment fort d’appropriation des enjeux d’une nouvelle gouvernance internationale de l’eau.
Enfin, le Forum économique mondial de Davos, en janvier 2025, organisera un événement sur l’eau pour mieux impliquer les acteurs économiques dans l’agenda global.
D’autres événements paveront le chemin entre la conférence des Nations Unies de 2023 et celle de 2026. Le but n’est pas de tous les citer mais de souligner, à travers ces quelques exemples, l’opportunité formidable que nous offre cette période pour structurer le leadership politique sur le sujet de l’eau. D’autres initiatives seront lancées, certaines plus pérennes que d’autres. Mais l’essentiel est de faire prendre conscience que l’eau est partout et que, jusqu’à récemment, dans l’agenda politique multilatéral, elle n’était nulle part.
Mentionnons un dernier événement qui se déroulera en juin 2025 en France, à Nice : la conférence des Nations Unies sur les océans. Il serait plus que judicieux de proposer à cette occasion un temps dédié à l’eau douce, pour briser séparation artificielle (mais si prégnante encore) entre gestion de l’eau douce et de l’eau salée. Une opportunité à saisir pour boucler la boucle, ou plutôt le cycle de l’eau.
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